Voilà une nouvelle intervention dans la série de mes conférences culturelles.
J'ai choisi ce soir de vous entretenir de la tribu des Naks. Vous tous qui êtes sensibles aux arts et à la beauté vous ne pourrez pas rester indifférent à leur histoire une fois que je vous l'aurai racontée.
Les Naks étaient une des tribus inuites plus communément appelées Esquimaux, et ils avaient la particularité de posséder un sens artistique inné. Ils pratiquaient une orfèvrerie unique au monde par la technique et les matériaux utilisés.
Les premiers contacts avec les Naks remonteraient au XVIe siècle, avec des pêcheurs français de Terre-Neuve qui s’étaient égarés au nord de la mer du Labrador. C'est à cette occasion que les premiers objets ont été rapportés en France, d'abord chez des amateurs d’art appelés aujourd'hui armateurs et plus tard à la Galerie de Géologie et de Minéralogie du Muséum d'histoire naturelle de Paris. Si vous voulez la visiter, c’est au Jardin des plantes.
Les Naks étaient capables de sculpter finement l’ivoire et les os des animaux pour en faire des bijoux. Avec le temps, ils améliorèrent leur technique avec des incrustations de tugtupite, une rare pierre précieuse issue de mines d’Ilimaussaq au sud-ouest du Groenland.
La tugtupite du Groenland est richement colorée et son nom provient du mot inuit tuttup qui signifie « sang de renne ». Cette pierre possède une propriété optique extraordinaire, la ténébrescence. Sa couleur varie du blanc au rose pâle à un magenta ou un rouge saturé. Sa couleur s’intensifie à la lumière du soleil et elle s'estompera lentement si elle est laissée à la lumière ambiante.
Les plus grands bijoutiers de la place Vendôme avaient bien essayé de s'approprier la technique des Naks, mais rien à faire, ils furent incapables de reproduire et d'égaler leur subtil travail d’orfèvre. Les Naks avaient ainsi pu préserver le monopole et le fruit de leur travail, ce qui leur avait assuré des revenus confortables pendant des décennies.
Les plus grandes têtes couronnées d’Europe se sont arrachées leurs rares créations lors de monumentales enchères chez Sotheby's. L’on a pu ainsi voir la princesse Märtha Louise de Norvège arborer une resplendissante broche Naks lors de son mariage en 2002. Elle aurait été adjugée au prix de 75 millions d’euros en 1999 lors d’une vente restreinte réservée aux seules grandes fortunes.
Une fois par an, douze créations Naks, pas une de plus ni une de moins, étaient ainsi mises aux enchères. Selon une estimation de la revue « Joaillerie et Orfèvrerie » dans un article de juin 2002, les gains annuels s’élevaient en moyenne à 1 milliard d’euros, ce qui assurait alors à la petite communauté des 2500 Naks des revenus plus que confortables.
Jusqu'au jour où... Jusqu'au jour où... une série d’évènements incroyables se sont produits simultanément.
Que ce soit au Muséum d'histoire naturelle que dans les coffres forts des têtes couronnées Norvégiennes, Belges, Anglaises, Émiraties (on connaît leur goût pour le luxe et tout ce qui est très cher) … que dans les coffres de la banque Rothschild, qui sont certainement ceux qui sont les mieux protégés au monde… Et bien tous les bijoux Naks se sont volatilisés en même temps. Partout, les enregistrements de vidéosurveillance ont montré la même image. Les bijoux bien présents le lundi 29 février 2016 à 06h30 du matin, puis à 06h30 et un vingt-quatrième de seconde, c'est-à-dire sur l’image suivante, ils avaient disparu.
Vu les sommes d’argent en jeu, vu le rang social des victimes, vu le pouvoir qu’ils représentaient, une discrétion totale a été imposée sur cet évènement extraordinaire. Exceptionnellement, les plus grandes polices du monde ont travaillé de concert pendant des mois avec les plus éminents services privés des assureurs.
Des sommes conséquentes ont été dépensées afin de résoudre ce mystère qui devint encore plus obscur le jour où l’on s’est rendu compte que les 2500 Naks avaient tous disparu, eux aussi dans le même temps. Le village qu’ils occupaient semblait avoir été déserté en une fraction de seconde. L’on a retrouvé dans les maisons des restes de petits déjeuners entamés et non terminés, des véhicules abandonnés en plein milieu des rues, des douches où l’eau coulait encore, des vêtements propres posés sur des lits et prêts à être utilisés, etc.
Devant l’ampleur du mystère, la communauté scientifique a également été mise à contribution. Sans succès. Certains propriétaires se sont alors tournés vers des marabouts, sourciers, spécialistes du paranormal et même des ufologues !
Après 2 ans d’enquête, pas le moindre indice ou début de piste n’est apparu ce qui est certainement unique dans toute l’histoire mondiale de la criminalité.
Cette énigme n’avait jamais été rendue publique avant que je ne vous la dévoile exceptionnellement et en avant-première ce soir.
On pourrait se dire que cette histoire a une morale puisque seuls les riches ont été victimes de ce vol extraordinaire, mais les choses ne sont pas toujours aussi simples, car le plus étonnant, c'est que vous tous ici présents avez aussi été victimes de l’art Nak.