Il y a toujours ceux qui du haut de leurs certitudes n’hésitent pas à faire la morale et à donner des conseils. Ils critiquent « ceux qui ne travaillent pas », « ceux qui n’ont pas d’ambition », « ceux qui ne paient pas d’impôts », « ceux qui travaillent à mi-temps », etc. À travers leurs propos ils stigmatisent et moquent les « sans dents », les « derniers de cordée », « les saltimbanques », « ceux qui vivent – selon eux – aux crochets de la société »… Parfois leurs propos frisent l’eugénisme lorsque l’on aborde les problèmes de santé et de handicap. Vous comprenez, mon cher monsieur, cela coûte bien trop cher à la société !

Par contre, ils ne tarissent pas d’éloges pour les riches, les puissants, les célébrités.

On les trouve aux comptoirs des bars, dans les réunions familiales, à la machine à café… C’est un voisin, un cousin, une tante, une collègue…
Lorsque je fais part de mes difficultés financières, de la problématique du modèle économique de la librairie, de la défense de la culture populaire, ils me répondent que je n’ai qu’à chercher du travail. En quelque sorte, traverser la rue. Je devrais plutôt devenir adulte et rejoindre le camp de « ceux qui font et sont dans la société ». Comprendre « les gens sérieux ».

C’est justement en adulte que j’ai décidé de faire un choix de vie qui va à l’encontre de celui qui nous est dicté par la société. Ce choix est philosophique et politique. Chacun fait ce qu’il veut de sa vie et au nom de la liberté et je revendique mon choix de la même façon que je revendique le droit de me plaindre.

Trop souvent nous répondons par un silence gêné à leurs propos et critiques. Et comme qui ne dit mot consent, ils pensent que nous sommes d’accord. Alors, s’il vous plaît, ne vous taisez plus !

Dites-leur : est-ce que moi, je me permets de critiquer ton choix de vie ?

Est-ce que je me permets de critiquer ta façon de vivre qui consiste à détruire la planète à travers ton modèle de société productiviste et consumériste à la croissance infinie ?

Que posséder une vingtaine d’appartements, c’est un choix de merde et que cela ne sert à rien, sinon à pomper le fric des plus pauvres qui ont du mal à se loger. Parce qu’ils ne font pas dans le social et dans la philanthropie, et louent au plus cher des biens à la limite de la décence.

À un autre banquier de son état qu’il participe à l’appauvrissement des plus pauvres. En 2018 ce sont 6 milliards qui ont été ponctionnés au titre des frais pour incidents bancaires.
Je pourrais répondre à une troisième, gestionnaire de biens, qu’elle aussi participe à la schizophrénie ambiante en obligeant les gens à tricher sur leurs revenus, à faire des fausses fiches de paie, sans quoi ils seraient obligés de se loger à l’auberge de l’étoile.

Je pourrais encore réponde à un dernier, directeur de supermarché, qu’il est responsable de l’appauvrissement des centres-villes, d’une partie du chômage de masse et des salaires de misère.

Et n’oubliez pas de lui demander si il ou elle est consciente de promouvoir, organiser et défendre un système où l’on est fier d’être vulgaire. Parce qu’aujourd’hui, la vulgarité est devenue une valeur.

Et puis participer à la société c’est quoi sinon participer à ce système devenu complètement fou, responsable de la pauvreté, de l’accaparement des richesses du monde par une minorité, de la mal bouffe, de la pollution, d’un système de santé à la dérive, etc. Mais surtout et le plus grave c’est que ce système a rendu l’homme complètement fou.

Il accepte d’être exploité pour enrichir des patrons qu’il vénère parce qu’ils ont des grosses voitures et des villas de luxe. Son rêve, devenir fou comme eux ! Et quand vous le lui faite remarquer il vous répond : ben oui, c’est comme ça ; avouant par là même qu’il s’accommode très bien du système sans vouloir le remettre en question tant qu’il a des miettes.

Le jour où il n’y aura plus personne pour défendre la culture populaire, pour la faire vivre, pour l’amener dans les quartiers, que va-t-il rester ? Des cerveaux à l’électroencéphalogramme plat devant des écrans. C’est « 1984 » de George Orwell, « V pour Vendetta », ou « Fahrenheit 451 »…

Alors je vous prie de garder vos réflexions pour vous et de me laisser tranquille, car je n’ai pas l’intention de me taire !

P.S. Si vous me demandez qui sont ces « ceux » dont je parle, ce n’est pas grave. Je ne m’adresse pas à vous, mais à ceux qui dans un processus de réflexion ont compris de qui je parlais.