Je me suis retourné.

J’ai vu un chemin qui n’était pas vraiment rectiligne. Il était tellement tarabiscoté qu’il ressemblait à ces premiers dessins d’enfants qui, aux yeux des adultes, sont des gribouillis. Ils ont pourtant bien une signification pour ceux qui les tracent.

Me retournant, j’ai aperçu une piste qui, par endroits, était parsemée de bosses et d’ornières. D’autres en zigzags, un autre constitué d’une interminable droite parcourant un désert torride ainsi qu’un autre de mille kilomètres franchissant la Méditerranée.

Il y avait également des portions plus calmes et bucoliques traversant de vertes forêts et prairies.

J’ai vu le chemin des douaniers en Bretagne, un frêle passage sillonnant les jardins ouvriers du marais de Bourges ainsi qu’un magnifique sentier fleuri le long du Loir.

J’ai vu de longues traces de pas sur les plages de la côte sauvage, mais aussi sur les deux rives de la Méditerranée.

J’ai vu des chemins de randonnées embrassant le Mont-Blanc, via l’Italie, la Suisse et la France.

J’ai vu des milliers de kilomètres d’asphalte.

J’ai vu des montagnes tellement hautes que je me demande comment j’ai bien pu faire pour les franchir. Et des abysses si sombres que recouvrer et retrouver la lumière n’aurait pas dû être possible.

J’ai parcouru les entrailles de la Terre d’où j’ai pu m’extirper en sortant par une porte basse menant à la voûte étoilée.

Je me suis envolé jusqu’à atteindre les limites de l’espace avant de me retrouver aux commandes d’un avion en chute libre en train de tirer de toutes mes forces sur le manche pour éviter de m’écraser. J’ai mordu la poussière plusieurs années durant avant de réussir à me poser.

Se poser, se re-poser, se reposer, reprendre des forces avant de reprendre une route dont je ne connais pas la direction, mais dont la destination nous est tous commune.

Se retourner, ce n'est pas seulement pivoter à 180° c'est aussi remonter le temps sur la carte dans un processus de visualisation mental.

Et ce faisant, mon œil a été attiré par une série de détails sur le dessin (dessein destin) de l’enfant.

Sur des bas-côtés, l’on pouvait voir, de-ci de-là, des carcasses accidentées. Ici une calèche, là une Dauphine, ici un vélo Solex, là un zodiaque. L’on pouvait également voir des objets abandonnés, là des cannes à pêche, ici des valises, là un chevalet, là un tricot inachevé, là un vieux portefeuille transpercé d’une balle...

Moi aussi, un jour, je déposerai un objet sur le chemin.

Je me suis retourné et, me voyant dans le miroir, j’y ai reconnu mon meilleur ennemi, mais aussi mon meilleur ami.

RETOURNEZ-VOUS !