Je comprends que certains ne veulent pas donner de définition de la poésie et des poètes, car par essence ils seraient indéfinissables.
Mais ne pas le faire, c’est aussi permettre aux autres de le faire. Par exemple : ce sont des doux rêveurs qui feraient mieux de travailler. Comprendre : être soumis au monde capitaliste et participer à l’escroquerie qui consiste à fournir un travail pour enrichir ceux, qui à leurs yeux, constituent l’élite.
C’est le genre de définition que les adeptes de la bien-pensance, du libéralisme et du capitalisme sont aptes à dégainer lorsque quelqu’un n’a pas, selon leurs normes, de statut social et le salaire qui va avec.
Alors je préfère donner une de mes définitions du poète, en précisant que ce n’est que la mienne, qu’elle est susceptible d’évoluer, que je ne vous impose pas d’y souscrire et que concernant ce qu’en pensent les bourgeois je fais miennes les paroles de Jacques Brel :
Les bourgeois c’est comme les cochons
Plus ça devient vieux plus ça devient bête
Les bourgeois c’est comme les cochons
Plus ça devient vieux plus ça devient…
Les poètes, et par extension les artistes, sont pour moi des rêveurs, des fêlés du ciboulot, des fous, des loufoques… et aussi des anarchistes pataphysiciens. Ces derniers ont ma plus haute sympathie.
- Sans eux la vie serait bien triste, la lumière terne, la beauté absente.
- Sans eux les fous rires ne seraient que des rires convenus.
- Sans eux les chemins de la vie ne seraient que de tristes avenues d’hiver tirées au cordeau et bordées de caméras de vidéosurveillance.
- Sans eux l’audace de l’impossible qui mène au possible serait absente.
- …
La poésie (au sens large de celle pratiquée par tous les artistes) est peut-être la seule voie (et voix) possible pour sauver ce monde qui est en train de crever de la bien-pensance, du sérieux et du conformisme qui font un retour en force là où on ne les attendait pas…
Dans ce monde où la pensée complexe a été remplacée par des — j’allais écrire « réflexions », mais peut-on parler de réflexion chez ceux qui sont devenus des spécialistes de tout après avoir visionné quelques vidéos complotistes sur le net ? — élucubrations simplistes menant à un relativisme abject, la bêtise est devenue la norme, même chez certains poètes…
Le genre de relativisme qui consiste à dire, par exemple, que les Occidentaux sont responsables de la guerre en Ukraine et donc que la réaction de la Russie est quelque part normale et compréhensible. Factuellement il y a un agresseur, la Russie, et un agressé. Point barre. Mais l’objectivité n’est pas le propre du relativisme n’est pas ?
Je ne comprends pas quel est ce mal qui gangrène la société et qui consiste à excuser les agresseurs et à baisser son froc devant leurs rodomontades de maffieux machistes et alcooliques ? Je n’ai pas envie de me retrouver un jour transformé en un vassal qui n’aurait pas d’autre choix que de crier gloire et admiration au seigneur Poutine sous peine de se retrouver assassiné dans un goulag.
On reproche beaucoup de choses aux Occidentaux, mais concernant les horreurs de l’histoire, je ne me sens pas responsable ni coupable de ce qu’ils ont pu faire par le passé. Je me sens redevable des leçons de l’histoire afin d’essayer de n’en pas reproduire les erreurs. Je suis également redevable des sacrifices de mes grands-parents qui ont eu à subir la guerre et des valeurs qu’ils ont su me transmettre. Et enfin, je ne peux pas pour ne pas les avoir subis, mais ne peux qu’imaginer toutes les souffrances qu’ont eu à endurer les opprimés, les victimes de génocides, les torturés, les déplacés, les affamés, les brûlés vifs, les bombardés… qui jonchent l’histoire proche et lointaine de l’humanité. Et concernant l’actualité, comment ne pas ressentir l’horreur de ce que subissent les Ukrainiens, de celle subie par les Israéliens le 7 octobre et celle subie ensuite par les Palestiniens de Gaza. Et je ne parle ici que des conflits qui sont sous la lorgnette des médias, car il en existe bien d’autres en Afrique, en Asie et ailleurs dans le monde.
Les donneurs de leçons sont pourtant souvent les premiers à en (l’histoire) occulter de grands pans pour n’en garder que les parties qui leur permettent d’accréditer leurs discours. Sans vergogne ils n’hésitent pas également à la réécrire à leur convenance comme c'est la cas dans les romans dystopiques. Ce que fait la Russie pour sa rhétorique et sa propagande territoriale.
Pourquoi la Mongolie ne pourrait-elle pas alors revendiquer les territoires asiatiques (et la Russie) qu’elle a occupés par le passé avec Gengis Khan ? Jusqu’où faut-il remonter dans le passé ? Soyons sérieux.
Désigner des boucs émissaires est une constante dans l’histoire que ce soit chez les dictateurs pour mieux asseoir leur pouvoir, que chez les nazillons pour masquer leur haine des autres.
Et concernant ceux qui accusent les Occidentaux de tous leurs maux, merci de ne pas faire d’amalgame. Les coupables sont le capitalisme et son pendant le libéralisme que beaucoup d’accusateurs pratiquent par ailleurs et qui sont des armes redoutables lorsqu'ils sont utilisés par des individus sans scrupules, avides de pouvoir et d'argent. Et n’oubliez pas que s’il y a des corrupteurs c’est qu’en face il y a des corrompus.
Ce n’est pas en renvoyant à la face des générations actuelles les erreurs et monstruosités de l’histoire dont ils seraient coupables par ascendance que vous allez résoudre le problème. Souvenez-vous comment l’Allemagne et la France se sont, avec intelligence, tendu les bras après la Seconde Guerre mondiale.
Commencez par regarder chez vous, en vous. L’on peut, j’en suis persuadé, même modestement, à notre niveau essayer de changer le monde en commençant par l’amélioration de son monde intérieur. Essayer de s’améliorer — oui, il y a du boulot me concernant 😉 — finit toujours par avoir une action positive sur l’extérieur.
Et pour terminer en revenant à mon propos liminaire, le poète ne serait-il pas aussi celui qui utilise l’art pour questionner et interpeller les autres sur l’état de l’humanité en partageant, par une offrande désintéressée, son propre monde ?